La santé mentale en entreprise est une vraie problématique jusqu’ici insuffisamment prise en charge. Matthieu Gilson et Gilles Nisol ont élaboré la plateforme EVOLUNO pour améliorer la situation.
Qui n’a pas parmi ses proches au moins une victime de burn-out ou de dépression ? Et qui n’a jamais éprouvé ce petit coup de mou qui oblige à lever le pied quelques jours, quelques semaines, voire beaucoup plus longtemps ? Les problèmes de santé mentale insuffisamment pris en charge sont dévastateurs pour l’individu et extrêmement coûteux pour l’entreprise. Cette problématique mériterait bien un outil d’écoute bienveillante et de conseils avisés.
Des statistiques inquiétantes
C’est à cette conclusion que sont arrivés Matthieu Gilson et Gilles Nisol, doctorants l’un en économie et l’autre en statistique à l’ULB au tournant des années 2020. Pendant leur cursus, ils ont côtoyé des employeurs et constaté les ravages du mal-être psychologique parmi les équipes. « D’après les statistiques de Sciensano, une personne sur cinq souffre cliniquement de dépression ou d’anxiété, et même plus chez les jeunes », précise Matthieu Gilson. « Pour les aider, les supports sont peu nombreux ou, s’ils existent, se révèlent difficilement accessibles. » Ils décident donc de lancer une plateforme dédiée à la santé mentale en entreprise. « Nous avons commencé par créer notre propre entreprise de consultance en IA. Mais nous avions vraiment envie de travailler sur un produit, de proposer des solutions aux problèmes que nous avions détectés avec une technologie que nous maîtrisons.» Leur projet est ambitieux : « C’est plus qu’une simple application technologique », insiste Matthieu Gilson. « Nous proposons aux entreprises un partenariat pour les aider à communiquer autour de la santé mentale. Nous faisons en sorte que notre application qui peut s’adresser à tout le monde, vive et s’intègre durablement dans l’entreprise. »
Prévention, curation, statistiques
Concrètement, EVOLUNO intervient sur trois plans : le préventif, le curatif et la gestion par les entreprises. Matthieu Gilson détaille : « Beaucoup de gens ont besoin de support, or dans l’entreprise et la société en général, peu d’investissements sont tournés vers le préventif. Nous avons mis en place un éventail d’outils pour aider chacun.e à activer au bon moment la solution qui lui conviendra individuellement. En se connectant sur notre plateforme, on peut accéder à des ressources d’auto-apprentissage conçues avec des psychologues. Nous proposons même un scan facial permettant de détecter ses besoins sur son visage ! Nous développons aussi des services pour ceux et celles qui vont bien et veulent aller encore mieux. Tout le monde peut vraiment trouver son compte sur EVOLUNO. »
Et quand il est trop tard pour prévenir, quand le malaise est installé, EVOLUNO offre également un support précieux grâce à son réseau de psychologues qualifiés, certifiés et joignables 24/24h pour une première session d’écoute et d’orientation. Une stratégie peut ensuite être définie et un large panel de spécialistes dans différents domaines, entrer en scène. Matthieu Gilson : « Les athlètes de haut niveau jouissent du soutien de coaches. Je veux qu’il en soit de même en entreprise, que chaque travailleur.euse bénéficie d’un support susceptible de l’aider en cas de besoin. »
L’abonnement des entreprises aux services d’EVOLUNO est calculé en fonction du nombre de personnes couvertes. Il est donc important pour elles d’en savoir plus sur le taux d’usage personnel. EVOLUNO leur propose un reporting détaillé du trafic : « Toute l’activité sur l’application est récoltée, anonymisée, agrégée et communiquée à l’employeur qui peut aussi commanditer des enquêtes relatives aux risques psychosociaux, à la santé mentale, à l’engagement et la satisfaction des collaborateurs », détaille Matthieu Gilson.
De nombreux atouts
Les services offerts par EVOLUNO répondent manifestement à un besoin. « Jusqu’ici en Europe, les entreprises étaient peu ou mal équipées tout simplement faute d’offre correspondant à leurs besoins », constate Matthieu Gilson. « Avec EVOLUNO, nous avons cassé les barrières, rendu plus digeste ce qui existait déjà, fait le lien entre psychologues et auto-apprentissage. Nous sommes aussi plus innovants que certains, particulièrement en matière de digitalisation. »
l’entreprise vise la rentabilité en 2025. Elle est sur la bonne voie avec l’entrée dans le capital de Mensura et des accords avec Group S et l’UCM pour atteindre les PME et les indépendants. Avec aussi des envies d’internationalisation. « Notre offre n’a pas de frontière », martèle Matthieu Gilson. « Nous sommes disponibles en français, néerlandais et anglais. Nos psychologues sont basés partout dans le monde. Nous comptons déjà dans notre clientèle une entreprise en Australie et des entreprises belges disposant de succursales à l’étranger. Notre ambition est de devenir un leader mondial du secteur. »
Les points forts bruxellois
Les perspectives de développement d’EVOLUNO sont donc très prometteuse, même si au départ, ses deux créateurs n’ont pas utilisé tous les outils à leur disposition. « Passer de l’environnement académique à l’entrepreneuriat n’est pas facile », reconnaît Matthieu Gilson. « Au début, on s’est peu entourés, on a fait l’erreur de ne pas consulter les structures existantes. On a d’abord sollicité des investisseurs privés. On ne s’est tourné que tardivement vers le cluster lifetech.brussels, quand la vision future du produit s’est précisée. Gilles et moi sommes moins networkers que faiseurs. J’essaie aujourd’hui de rectifier le tir. »
D’autant que les créateurs d’EVOLUNO se sentent bien à Bruxelles. « Le tissu entrepreneurial bruxellois est vivant », constate Matthieu Gilson. « Avec beaucoup d’initiatives, d’entrepreneurs et de talents particulièrement dans le secteur technologique. » Quelques améliorations sont cependant encore envisageables : « Il manque peut-être quelques gros projets pour tirer la scène vers le haut », énumère-t-il. « Une simplification administrative serait aussi la bienvenue. De nombreux subsides sont disponibles mais les démarches pour les obtenir ne sont pas intuitives. Heureusement, le gouvernement bruxellois œuvre dans ce sens et des organismes comme hub.brussels sont d’un grand secours. »