L’innovation dans le domaine de la prévention de la santé a de beaux jours devant elle, et nous sommes aujourd’hui à un tournant où entreprises et autorités publiques ont un rôle clé à jouer, à Bruxelles comme dans toute l’Europe. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’étude « Prevention & HealthTech » réalisée par Deloitte pour lifetech.brussels et publiée en novembre dernier.
Prévention et innovation
Dans le domaine de la santé, la prévention est l’ensemble des dispositifs et des interventions visant à réduire ou éviter l’apparition (prévention primaire), la propagation et la progression (prévention secondaire) ou l’aggravation (prévention tertiaire) de problèmes de santé quels qu’ils soient.
La prévention s’étire donc dans le temps, avant comme après l’occurrence de maladies ou d’incapacités. Lorsqu’on ajoute le terme « digital » ou « healthtech », c’est que l’on parle des dispositifs connectés qui ont en général pour objectifs de faciliter l’accès, la lecture ou les premiers pas en prévention pour les utilisateurs et utilisatrices.
Par exemple : la collecte et l’analyse de données pour dépister des problèmes de santé à partir de bracelets connectés ; le coaching et le suivi de traitements ou de modes de vie pour des maladies chroniques ; les appareils de télésurveillance pour un maintien de l’autonomie des personnes âgées, etc.
Etant donné l’augmentation de l’espérance de vie, en parallèle d’une diminution de la qualité de celle-ci au cours des années, il est nécessaire de s’interroger sur l’état des lieux des politiques de prévention et sur les innovations et opportunités existantes ou restant à créer.
Un consensus théorique sur la prévention
Le premier constat de l’étude est celui d’un consensus général sur la prévention. En effet, la tendance dans la population, comme au sein des institutions publiques et gouvernementales, est à la mise en avant et à la valorisation de la prévention : « prévenir plutôt que guérir » parce que cela s’avère positif à court, moyen ou long terme.
Une population en meilleure santé a un meilleur moral, est plus motivée pour s’engager auprès d’autres causes ; elle coûte aussi moins cher en soins de santé, tout en étant plus productive au travail. À l’inverse, le curatif est fortement consommateur d’énergie et génératrice de déchets.
Si les dépenses totales de santé ne seront sans doute pas réduites dans le futur, tout porte à croire qu’un transfert du coût des soins et des traitements vers l’amélioration de la santé et du bien-être aura un impact global favorable. D’un point de vue économique, environnemental, politique et même social, la prévention fait donc l’unanimité.
Des applications concrètes plus timides
Malgré l’engouement pour la prévention, malgré l’évidence de la prévalence des maladies chroniques et/ou associées au mode de vie – y compris dans des pays affichant une meilleure santé globale comme la Suède – on observe sur le terrain que les systèmes de santé étudiés restent frileux quand il s’agit d’investir. En Belgique, seul 1,7% du budget total de la santé était consacré à la prévention en 2019 contre 2,8% pour la moyenne européenne, et loin derrière nombre de ses voisins.
Deux freins principaux sont identifiés dans l’étude. D’une part, la mesure de l’impact direct ou indirect des investissements dans la prévention, qui reste difficile et approximative, ne parvient pas à motiver les autorités publiques à investir. D’autre part, les cadres législatif et financier apparaissent très contraignants et peu agiles. Ils rendent complexes, pour les entreprises, l’accès aux autorités de santé, aux organes de réglementation et aux sources de financement. Or les investissements sont nécessairement importants au départ, sans que l’on puisse précisément prédire quels seront leurs effets, ni à quelle échéance.
Actuellement les entreprises souffrent du décalage entre le financement du secteur de la santé (paiement à l’acte) et celui de la prévention (basé sur la valeur), alors que de nombreux programmes et aides existent et que les structures publiques ont des outils de soutien, de l’idée à sa mise en œuvre (coaching, formations, primes, subsides, etc.). La solution avancée dans l’étude est la simplification de l’accès à ces processus : passer d’un système où les startups doivent demander de l’aide, à un système où l’aide est proposée proactivement.
Développer une culture de la prévention
L’étude propose des pistes pour la mise en place et le développement de solutions de prévention innovantes, à travers ce que l’on pourrait résumer par le développement d’une culture de la prévention.
Un point est nécessaire pour cela : changer d’angle de vue et travailler sur une vision à long terme plutôt que court-termiste. Investir dans la prévention, c’est effectivement accepter que nos actions d’aujourd’hui bénéficieront à la génération suivante.
La Suède par exemple a fait de la prévention un pilier de la stratégie nationale de santé et présente une dépense dans la prévention supérieure à la moyenne européenne. Dans ce pays, la population adopte aisément des solutions digitales et se montre curieuse des innovations technologiques. En parallèle, les infrastructures nationales ont été développées pour permettre un large accès aux données, leur interopérabilité et leur usabilité à l’échelle nationale. Lorsqu’on compare avec la Belgique, on observe un profil similaire de la population. Qu’est-ce qui freine alors le déploiement d’une politique de prévention plus ambitieuse chez nous ?
Réunir les acteurs
Il est fondamental que les entreprises s’entourent d’acteurs croyant en leur projet et en son impact ; il en va de même sur la nécessité de tisser des liens avec des partenaires publics ou privés, commerciaux ou administratifs, afin de s’appuyer sur leur réseau et leur expertise.
Il revient alors aux acteurs comme lifetech.brussels de connecter l’écosystème et de mettre en place des programmes d’accélération ou d’incubation. L’objectif ici est la création de relations étroites entre investisseurs, grandes entreprises, outils régionaux et jeunes pousses innovantes.
Donner de la visibilité aux résultats
La dernière recommandation de l’étude porte sur l’impératif de la démonstration : prouver l’utilité, la pertinence et la simplicité d’utilisation. Les auteures soulignent ainsi que les entreprises ont des difficultés à mettre en avant la valeur ajoutée de leur solution tant auprès des leaders d’opinion que du grand public.
Pour cela, elles ont besoin de s’appuyer sur des praticien.nes et des leaders d’opinion qui peuvent tester et se faire l’écho des impacts et bénéfices des solutions.
Les tests et la mise en pratique, même à petite échelle, sont essentiels dans la démarche d’adoption et de valorisation des innovations. Il est ainsi du ressort des autorités de donner les moyens de faciliter cela, que ce soit par exemple par la fourniture d’infrastructures et de plateformes. En parallèle, il revient aux entreprises de solliciter et de stimuler ces actions qui permettent de sensibiliser le public sur les solutions existantes ou en devenir.
Mettre en place les facteurs de succès
« Le succès advient quand les entreprises font partie d’un réseau performant avec des compétences et des expériences complémentaires, donnant la priorité à la valeur et l’expérience client ».
Cette citation résume ce sur quoi les entreprises innovantes peuvent s’appuyer pour réussir.
- A l’étape de la Recherche & Développement, c’est se tourner vers les financements publics, intégrer des accélérateurs, et s’entourer d’une équipe aussi talentueuse que motivée.
- Avant d’entrer sur le marché, elles peuvent compter sur les programmes de soutien déployés par les autorités, mais aussi sur des partenaires commerciaux et leurs conseils avisés pour l’établissement d’un modèle de prix basé sur la valeur de leur solution.
- Enfin, en supposant que les informations sur les cadres de régulation soient facilement accessibles et compréhensibles, les entreprises se trouvent rapidement face à des early adopters qui vont promouvoir leur solution, s’en faire le relais et faciliter leur diffusion.
Oser se lancer
Ces actions autour et en faveur de la prévention nécessitent que la prévention et ses bénéfices fassent sens dans les valeurs de toutes les personnes concernées. C’est pour cela qu’il est crucial de sensibiliser, démontrer, rassembler, à l’échelle d’une société entière.
Pour les autorités publiques comme pour les entreprises, les recommandations de l’étude vont dans le même sens : avancer en synergie et ne pas former deux blocs qui ne se rencontrent que pour des difficultés administratives, des appels à projets et des candidatures aux financements.
Il est temps de travailler ensemble à plus grande échelle parce que les forces en présence sont complémentaires et parce que la majorité des difficultés rencontrées par les entreprises sont liées au fossé qui les séparent de l’administration.
« Le succès de la prévention dépendra de la collaboration intersectorielle au sein d’une chaîne d’acteurs diversifiés, médicaux et non médicaux. »
Lire l’étude en détail ici : https://lifetech.brussels/publications/
Le futur de la prévention est un vaste sujet de société auquel lifetech.brussels consacre deux jours les 21 et 22 novembre prochain, lors des Prevention Days.
Les Prevention Days sont une initiative du cluster pour rassembler partenaires financiers, innovateurs et acteurs du monde de la santé pour bâtir la prévention santé de demain.
Retrouvez le détail des journées ici : https://lifetech.brussels/events/prevention-days/