L’aventure de MoveUP a commencé en 2016, initiée par un chirurgien, deux ingénieurs et un avocat dans le cadre de leur MBA à la Vlerick Business School. Ce qui aurait pu rester une entreprise fictive créée pour un travail de fin d’étude s’est rapidement mué en success story.
« Le chirurgien orthopédiste membre du quatuor, désireux de mieux comprendre la variabilité d’évolution des patient.es après le placement d’une prothèse de hanche ou de genou, voulait construire un système pour collecter des données qui contribueraient à diminuer cette variabilité », explique Julien Lebleu, kinésithérapeute et Clinical Innovation Lead de MoveUP.
Motiver les patient.es
Le principal souci était de motiver les patient.es à alimenter le système en données personnelles via une application mobile. C’est là que les kinésithérapeutes sont intervenus pour les conseiller entre autres sur leur rééducation ou sur le traitement de la douleur, bref pour leur apporter une valeur ajoutée et les mettre en confiance. « Notre point de départ était la récolte de données mais les équipes soignantes se sont rapidement retrouvées concernées », résume Julien Lebleu, « et la démarche a débouché sur l’utilisation du télésoin qui permet aux patient.es de bénéficier de soins à domicile et qui réunit sur la même plateforme médecins et kinésithérapeutes pour une meilleure coordination de leur revalidation. »
Public et privé
La solution proposée par MoveUP intéresse les pouvoirs publics dès 2017-2018 dans le contexte du plan national e-santé visant à intégrer les applications Mobile Health dans le système des soins de santé belge. L’entreprise décroche un financement auprès du cabinet Deblock pour mener un projet pilote portant sur 200 patient.es dans trois hôpitaux. Les résultats de l’étude sont excellents. Tellement qu’après une mise sur le marché rapide, la demande d’un cadre de remboursement est introduite auprès de l’INAMI dès 2018 et débouche sur un remboursement temporaire en Belgique entre 2020 et 2022.
Quant aux bénéficiaires du dispositif, iels apprécient. « Notre produit est centré patient.e », détaille Julien Lebleu. « Nous leur assurons un retour sur les données qu’iels ont encodées. Après trois semaines d’utilisation, nous les interrogeons et nous consultons les équipes soignantes pour améliorer notre produit. On a beau co-construire avec ces dernières, faute de satisfaction des patient.es, nous savons que l’outil ne continuera pas à être utilisé. »
La structure de MoveUP traduit cette orientation : « La moitié de l’équipe possède un background orienté santé », précise Julien Lebleu. « Cela nous permet d’adapter notre offre aux besoins des hôpitaux. Nous ne proposons pas que du software, mais aussi une importante composante services dans laquelle la gestion du changement occupe une place considérable. C’est vraiment apprécié et, je pense, nécessaire. »
En constante évolution
Si l’histoire de MoveUp a commencé en fanfare, la startup doit constamment s’adapter aux évolutions du marché. « En 2016, notre produit était vraiment précurseur, ultra-novateur », indique Julien Lebleu. « Il a été lancé au moment de l’apparition des applications mobiles pour le santé. Mais aujourd’hui, le marché est dynamique. En Belgique, plusieurs entreprises font la même chose que nous dans différents domaines. » L’entreprise s’est donc diversifiée. Géographiquement, avec une présence dans treize pays européens, une boîte aux lettres à Paris et à New York, des représentants aux USA, en Espagne, en Italie et même en Inde. Et en matière d’offre avec des produits adaptés à l’orthopédie évidemment, ainsi qu’à la cardiologie, l’oncologie, l’hématologie, le diabète, la neurologie, le traitement de l’obésité et la pneumologie. « Nous accordons beaucoup d’importance à la R&D », résume Julien Lebleu. « Nous misons beaucoup sur elle pour être à la pointe parce que ceux qui ne le sont pas ne tiendront pas le coup. »
Les difficultés du secteur
Lors du dernier exercice, le chiffre d’affaire de l’entreprise a doublé. Insuffisant pour atteindre le seuil de rentabilité. C’est qu’il faut composer avec un secteur économiquement compliqué. « Les hôpitaux n’ont pas d’argent et ce n’est pas aux patient.es de payer », déplore Julien Lebleu. « Il faut donc essayer de convaincre les assureurs privés et l’INAMI d’investir. Les sociétés pharmaceutiques et la medtech possèdent les moyens financiers, l’expérience marketing et les contacts avec les médecins. Elles devraient jouer un grand rôle pour mettre nos produits à la disposition des médecins et des patient.es. »
Les avantages de l’écosystème bruxellois
L’entreprise se sent belge et se félicite de son implantation principale à Bruxelles qui « concentre beaucoup de compétences, beaucoup de cerveaux, les universités », constate Julien Lebleu. « Nous travaillons aussi de plus en plus avec les sociétés pharmaceutiques et de la Tech. Nous sommes installés à la Gare Centrale, un endroit pratique lorsqu’on vient de Namur, Louvain-la-Neuve ou Gand. Sans oublier la dynamique à l’international. Tout le monde connaît Bruxelles, c’est vraiment un point central d’où qu’on vienne ! »
L’entreprise y a aussi trouvé le précieux soutien du cluster lifetech. Chez MoveUP, on garde un excellent souvenir du MedTech Accelerator. « On sent qu’à Bruxelles, il y a un écosystème qui se soucie des entreprises et veut vraiment les aider », se félicite Julien Lebleu, « ce qui est un grand défi dans le domaine des soins de santé. Grâce au cluster lifetech, nous avons pu profiter de missions communes à l’étranger, côtoyer des entreprises confrontées aux mêmes problèmes que nous, participer à des networkings riches en rencontres constructives, initier des projets de R&D avec des universités. »
Prévisions d’avenirMoveUP semble donc bien armée pour affronter l’avenir dans un secteur en constante mutation. « Les montants consacrés à la santé digitale augmentent », conclut Julien Lebleu. « C’est une bonne nouvelle pour nous et pour l’ensemble du marché. Mais la complexité du système suit la même courbe. Aux États-Unis, qui ont dix ans d’avance, les grands groupes ont absorbé les plus petits. Est-ce le destin de MoveUP ? Peut-être. Mais une chose est sûre : notre domaine n’échappera pas à une rationalisation. À nous de faire en sorte d’y jouer un rôle moteur. Avec le récent rachat d’une startup en IA médicale, nous renforçons notre capacité d’innovation et nous voulons nous positionner comme un partenaire stratégique pour tous les acteurs de la santé. »