La spin off de l’UCLouvain créée par Michael Saint-Guillain et Jonas Gibaszek est rapidement devenue une référence en matière d’optimisation de la gestion des opérations grâce à l’IA. D’abord concentrée sur le secteur de la biotechnologie pharmaceutique, elle s’est ouverte aux hôpitaux, s’intéresse au secteur agro-alimentaire et vise l’international.
D’emblée, Michael Saint-Guillain avertit : « Il ne faut pas confondre l’optimalisation combinatoire utilisée par ROMBIO avec l’IA de type ChatGPT aujourd’hui bien connue du grand public. Nous ne demandons pas à l’IA d’apprendre par elle-même les règles du jeu, mais bien de jouer la meilleure partie possible. »
De la recherche à l’entrepreneuriat
Michael Saint-Guillain est titulaire d’un doctorat en intelligence artificielle obtenu en 2019. De chercheur à chef d’entreprise, sa trajectoire est atypique : « Pendant mon parcours académique, j’ai développé des algorithmes pour résoudre des problèmes de planification d’opérations dans le domaine de l’exploration spatiale », détaille-t-il. « J’ai pu collaborer avec la NASA puis l’ESA, travailler sur le rover Perseverance et sur des simulations de missions habitées. J’ai même participé à l’une d’entre elles. »
Cette formidable expérience a débouché sur le développement de son projet de spin off universitaire. Ce montage rend possible, pour les équipes de recherche qui le désirent, l’exploitation de produits ou services développés à partir des connaissances ou technologie issues de leurs travaux scientifiques en concertation et avec le support du bureau de valorisation. « A priori, ROMBIO devrait définitivement garder ce statut », précise Michael Saint-Guillain. « En effet, nous partageons une partie de la propriété intellectuelle avec l’UCLouvain qui nous en a cédé l’utilisation exclusive pour une durée illimitée et qui en contrepartie possède une petite part de l’entreprise. »
Sur le tas
L’objectif de ROMBIO est de transposer les algorithmes développés par son fondateur à l’optimisation de la gestion des opérations en bioproduction, plus particulièrement dans le secteur de la biotechnologie pharmaceutique. La tâche était ardue : « A la fin de ma thèse, rien n’était commercialisable », se souvient-t-il. « Je disposais bien sûr des algorithmes que j’avais développés, mais il n’y avait pas d’application, pas d’interface. En plus, moi qui avais toujours travaillé dans mon laboratoire en informatique et qui n’avais jamais mis les pieds en entreprise, je n’avais aucune notion commerciale, je ne savais pas comment approcher le client. »
Mais il en faut plus pour décourager l’apprenti-entrepreneur. Il se lance dans des expériences pilotes et, à la recherche de partenaires potentiels, multiplie les contacts avec les entreprises armé de seulement quelques slides de présentation et de grandes feuilles blanches qui ne demandaient qu’à être noircies. « Je faisais office d’interface. Je modélisais les process de mes prospects sur papier avec eux, puis je rentrais traduire mes notes dans un langage accepté par l’IA. Ensemble, nous avons codéveloppé la meilleure interface possible. Nous avons réfléchi à une configuration qui rende un développement spécifique inutile, mais qui permette une configuration autonome de manière à pouvoir représenter n’importe quel type de contexte opérationnel ou n’importe quel type de procédé dans n’importe quel contexte opérationnel. Qui offre une grande souplesse et permette une planification à court, moyen ou long terme afin qu’au sein d’une même entreprise, différents environnements de planification et différents horizons temporels puissent cohabiter. » Cette première phase a duré plus des trois ans, jusqu’à ce que ROMBIO décroche son premier client : l’entreprise pharmaceutique Takeda. D’autres, et pas des moindres, ont suivi.
Une solution adéquate et adaptable
Michael Saint-Guillain en est persuadé, ROMBIO comble un sérieux vide dans les entreprises : « Pourquoi dans 95% de celles que je rencontre, toutes tailles confondues, les plannings sont-ils faits à la main sur Excel ? » s’interroge-t-il. « Ce n’est pas nécessairement une question de moyens. C’est juste qu’il n’existe rien d’adéquat sur le marché pour ce type d’industries soumises à des contraintes de fabrication assez strictes, particulières. Nous sommes probablement les seuls à proposer à la fois un formalisme de modélisation des process et un formalisme qui soit suffisamment riche pour pouvoir tenir compte de toutes leurs contraintes spécifiques. Nous ne vendons pas de développement aux entreprises. Toutes reçoivent exactement la même version du produit, une version hautement configurable qu’elles peuvent modifier elles-mêmes. Je pense que c’est là notre grande différence avec les autres solutions. »
En outre, le modèle ROMBIO est aisément adaptable à d’autres secteurs car, dit-il, « de la gestion de projets, il y en a absolument partout. » ROMBIO a déjà entamé sa diversification dans le secteur hospitalier où il contribue à résoudre des problèmes tels que les horaires infirmiers ou l’optimisation d’allocation de salles d’opération et de cabinets de consultation. Il s’intéresse aussi à l’industrie agro-alimentaire et lorgne vers l’international avec déjà deux clients en France et des projets avec des agences commerciales japonaises et américaines rencontrées à l’occasion du CES à Las Vegas.
Le coup de pouce d’Innoviris
Les bases de ROMBIO sont solides et son avenir, prometteur. « Pendant les premiers trois ans et demi de notre existence nous avons été financés à 100% par le public grâce à Innoviris qui subventionne pas mal de projets de l’UCLouvain », détaille son patron. « Pendant un an, nous avons bénéficié d’un financement de type ‘proof of concept’, et ensuite de ce qui s’appelait à l’époque ‘first spin off’ » Soit près de 660.000€. « Mais cela part vite », insiste-t-il. « Et les versements se sont interrompus en 2023, au début de la commercialisation de notre produit. »
Il n’empêche, ROMBIO a pratiquement atteint le seuil rentabilité fin 2024 avec un chiffre d’affaires de 400.000€. « Sans avoir eu recours à la moindre levée de fonds dilutive », se félicite Michael Saint-Guillain, « juste un petit prêt pour combler un trou dans notre cash-flow. Ne jamais avoir dû céder davantage de nos parts est une belle réussite car peu de startups peuvent en dire autant. »